ANTISMOG réduit la pollution aux particules fines
Grâce à un petit dispositif à hydrogène, compatible avec la plupart des moteurs thermiques, la start-up a réussi à améliorer drastiquement la combustion du carburant. Cela réduit la pollution aux particules fines. Une excellente nouvelle pour la qualité de l’air.
48.000 morts par an en France. Voilà le lourd bilan de la pollution de l’air, troisième facteur de mortalité derrière le tabac et l’alcool d’après une étude de Santé Publique France. Les véhicules thermiques contribuent de manière importante à cette pollution, et notamment les moteurs diesel. Ils représentent 58 % du parc automobile en France et rejettent massivement particules fines et autre oxyde d’azote (NOx) qui font des ravages sur les tissus fragiles de nos poumons. Une situation aggravée pour les urbains par l’encrassement accéléré de la mécanique, comme le rappelle Igor Turevsky, PDG d’Antismog : « Les moteurs des véhicules modernes n’aiment pas le régime d’arrêts fréquents de la ville, avec ses démarrages à froid et des embouteillages. Le carburant est mal brûlé et leurs performances diminuent drastiquement avec le temps. » Résultat : plus de carburant consommé, plus de particules rejetées.

En outre, le renouvellement du parc ne se fera pas du jour au lendemain. Les voitures hybrides et électriques, qui représentent 21,5 % des immatriculations en 2020, sont certes prometteuses mais elles posent d’autres problèmes environnementaux – notamment dans la conception et le recyclage des batteries. Enfin, l’hydrogène se fait attendre. Sa croissance de 40 % en Europe dissimule des chiffres marginaux : seulement 211 voitures neuves vendues en 2020 en France fonctionnent grâce à cette molécule. Mais en attendant d’alimenter les moteurs, l’hydrogène peut rendre d’autre service.
Un électrolyseur sous le capot
C’est la découverte faite par Igor Turevsky, ingénieur spécialiste de l’énergie, passé par Alsthom et General Electric : « Au sein du secteur R&D de General Electric, nous avions remarqué que l’hydrogène, utilisé non pas pour la propulsion mais comme un additif à l’essence, améliorait la combustion du carburant. Mais, l’idée n’a pas été développée par l’entreprise. » Igor Turevsky décide de reprendre le flambeau et lance en 2017 la start-up Antismog en région parisienne, accompagné par l’entrepreneur hongrois Stefan Panayotov. Ce dernier est spécialiste d’un domaine un peu particulier : le décalaminage à l’hydrogène. Ce terme barbare signifie le décrassage du moteur à l’aide d’une injection de la précieuse molécule via une station portative. « Mais jusqu’à présent, cette méthode n’a pas rencontré beaucoup de succès. Elle était trop chère et pas assez efficace, il fallait la renouveler souvent », explique Igor Turevsky.
Pour l’améliorer, Antismog lui a accolé un autre dispositif novateur et breveté par ses soins. Il prend la forme d’un petit boîtier qui se branche sur l’arrivée d’air du moteur. Lorsque celui-ci est en route, ce mini-électrolyseur injecte des petites doses d’hydrogène dans l’essence qui permet à celle-ci d’être mieux brûlée. Ainsi, dans un premier temps, le moteur est nettoyé et remis à neuf par une station de décalaminage à l’hydrogène conçu également par la start-up. Cela peut-il réduire la pollution aux particules fines ? Dans un second temps, le boîtier d’Antismog améliore en continu la combustion de l’essence et empêche la formation de dépôts d’hydrocarbures. Cette combinaison assure au moteur de fonctionner au maximum de la performance dans le temps.
80 % de réduction des émissions de particules fines
Le moteur rajeuni et dopé par le dispositif Antismog rejette ainsi jusqu’à 80 % de particules fines en moins, et entraîne une baisse de 5 à 10 % de la consommation de carburant – soit un rejet de CO2 diminué d’autant. Ces résultats ont été audités par AirParif et l’Ademe lors d’un test mené en 2019 sur 33 moteurs de différents types équipant la Ville de Paris, des véhicules utilitaires aux bateaux-mouches en passant par les générateurs d’électricité au diesel et les chariots élévateurs. « Nous visons pour l’instant un marché de niche, celui des moteurs diesel datant d’avant 2011, qui sont les premiers concernés par les mesures de restriction prises par de nombreuses villes européennes », indique Igor Turevsky. Toujours en phase de test, le dispositif équipe actuellement environ 1.000 moteurs. Antismog a décidé de partager le résultat de ses démonstrations en « open source », afin d’encourager la mise en œuvre de projets similaires.

Sa solution réduit également les coûts de maintenance, en évitant le changement de certaines pièces encrassées, comme le filtre à particules. « Le décalaminage à l’hydrogène coûte entre 75 et 100 euros, et l’installation du boîtier dans le moteur entre 700 et 800 euros en comptant la main–d’œuvre, précise Igor Turevsky. Il est rentabilisé entre dix mois et deux ans, selon l’usage fait du véhicule ». D’autant que le boîtier est conçu pour durer entre 20 et 40 ans. Ce petit électrolyseur ne présente aucun risque pour l’usager : il n’y a pas de stockage d’hydrogène sous pression, car la molécule est produite directement, seulement quand le moteur tourne. Cependant, si le dispositif est compatible avec la grande majorité des moteurs thermiques, Antismog a noté qu’il rencontrait parfois certains problèmes de fonctionnement sur quelques machines récentes. Dans ce cas, à cause d’une interférence de l’ordinateur de bord qui ne comprenait pas l’action du boîtier sous le capot, la consommation d’essence… augmentait.
Contacts avec Loxam et Renault
Antismog cible deux marchés pour le moment : celui des gestionnaires de flotte et des garagistes. La société veut constituer un réseau de partenaires pour monter en puissance, d’autant que la station de décalaminage qu’elle fournit peut fonctionner seule en continu et ne nécessite pas une surcharge de travail de la part des professionnels. La start-up a créé un modèle économique original pour éviter que le prix ne rebute les garagistes : elle leur cède la station gratuitement et récupère vingt euros sur chaque intervention. Pour le moment, seuls sept garagistes en France ont adopté le dispositif Antismog, et la société de deux salariés, financée sur fonds propres, n’a pas encore de revenus.
Mais la montée en puissance ne saurait tarder. Igor Turevsky annonce vouloir lever prochainement 500.000 euros pour déposer deux brevets additionnels, puis réaliser d’ici 18 mois un nouveau tour de table pour réunir de 3 à 5 millions d’euros et lancer la commercialisation. Elle annonce des discussions avancées avec la société de groupes électrogènes Loxam et avec l’aéroport de Nice. Elle est également en contact avec Renault, dans le cadre de son projet d’usine de reconditionnement de voitures de Flins. Antismog travaille d’ores et déjà à la réalisation d’un nouveau boîtier qui, grâce à l’intelligence artificielle, s’adapterait parfaitement à toutes les variables du moteur. Avec l’espoir de mieux faire respirer les villes, en attendant l’arrivée des nouveaux moyens de propulsion.